- 6 août 2019
Interview de Jean-Baptiste Juin et Pierre Girardeau
L’activité de Cross Data est en partie basée sur l’intelligence artificielle. Aujourd’hui, ce sujet attire les convoitises et interroge sur ses impacts dans notre quotidien professionnel. L’IA est-elle un effet de mode ou une réelle plus-value?
Dans notre démarche de diffusion des bonnes pratiques autour de notre métier, nous avons posé cette question à Pierre Girardeau et Jean-Baptiste Juin, les deux data scientists leaders de notre équipe.
L’IA est un sujet à la mode, mais est-ce que ça marche vraiment ?
Pierre Girardeau : “Ça dépend pour quoi faire. Il faut savoir faire la part des choses. En effet, ce sont des techniques très à la mode, mais qui existent depuis longtemps.
Jean-Baptiste Juin : les algorithmes d’aujourd’hui vont plus loin mais c’est surtout grâce à un plus grand nombre de données disponibles et des puissances de calcul plus abordables. En revanche on ne peut pas vraiment parler de “vraie” intelligence artificielle. Une certaine magie est née autour de ces sujets mais finalement l’IA n’existe pas, c’est purement et simplement des algorithmes. De ce fait, oui, ces actions fonctionnent vraiment. Sont-elles toutes de l’IA ? pas forcément.
Vous dites que l’IA n’existe pas, mais alors qu’est-ce que les gens qui en parlent cachent derrière cette notion ?
Jean-Baptiste Juin : c’est une question très philosophique car pour y répondre il faut d’ores et déjà savoir définir ce qu’est une intelligence !
Pierre Girardeau : Pour définir l’IA, on doit se référer au test de Turing. Créé par Alan Turing en 1950, ce test met en confrontation l’humain et le robot. Un examinateur humain doit analyser une conversation textuelle et deviner qui est le robot. Si celui-ci n’y arrive pas ou se trompe, la machine est considérée comme étant une intelligence artificielle. Eliza et Parry sont les deux premiers programmes capables de passer ce test.
Jean-Baptiste Juin : pour mieux comprendre l’IA, rien de tel que l’exemple récent du robot Google qui a réussi à prendre un rendez-vous téléphonique chez le coiffeur sans aucune difficulté.
Le coiffeur à l’autre bout du fil n’a pas vu la différence avec ses clients humains. Mais tout cela reste à nuancer dans la mesure où avec l’IA on ne peut pas avoir une vraie conversation directe.
En effet, l’IA fonctionne via des algorithmes décisionnels qui eux fonctionnent à l’aide d’une base de données d’actions préexistantes. Si on sort de cette base, l’IA n’est donc pas en mesure de continuer à prendre des décisions aussi bien qu’un humain.
Aujourd’hui, les IA très performantes ne fonctionnent que dans un cadre défini à l’avance, comme un jeu ou une action précise mais pas dans un cadre fluctuant comme une conversation beaucoup plus complexe que la prise de rendez vous.
Les médias différencient souvent IA faible et IA forte, pouvez-vous nous éclairer sur ces deux notions ?
Pierre Girardeau : les médias utilisent souvent des termes plus ou moins complexes pour expliquer des choses simples. L’IA forte est celle en mesure de passer le test de Turing tandis que l’IA faible s’apparente à du machine learning ou à une réalisation de tâche précise.
Concrètement, qu’est ce que l’IA sait bien faire ?
Jean Baptiste Juin : l’IA sait très bien faire de la reconnaissance d’image, de son, de texte et de vidéo. Elle peut également générer du contenu car elle est en mesure de distinguer le vrai du faux. Faire de la prévision est aussi largement réalisable, celle-ci est très utilisée en finance et en météorologie. Cross Data se sert également de cette intelligence pour son produit d’attrition. La prévision permet de trouver quels sont les clients susceptibles de partir à court terme. Avec cette donnée, l’équipe commerciale peut rapidement les contacter afin d’essayer de les garder dans leur clientèle.
Pierre Girardeau : par exemple, les logiciels de musiques utilisent également l’IA pour vous proposer des musiques adaptés à vos goûts. Si deux personnes écoutent la même musique, les algorithmes vont aller rechercher les autres musiques écoutées par ces individus pour en proposer de nouvelles encore inconnues dans le même style artistique. L’intelligence artificielle est donc présente dans notre quotidien sans même que nous y pensions.
Selon vous, cette IA va-t-elle révolutionner le monde de l’entreprise ?
Pierre Girardeau : non, oui enfin ça dépend (rires). L’IA est un appui clé pour les entreprises. Si elle est bien utilisée celle-ci va effectivement être révolutionnaire, tout comme l’arrivée de la machine à vapeur lors de la révolution industrielle. Il est évident que si on propose qu’une IA prenne des décisions à la place du patron cela ne serait pas accepté. Il faut donc l’utiliser soit comme un outil permettant de valider une intuition, celle-ci sera appuyée sur des faits concrets via les données ouvertes ; soit pour automatiser des processus. Tous les secteurs d’activités sont concernés.
Cela dit, celui du recrutement va fortement être impacté dans la mesure où maintenant, on va rechercher de plus en plus de qualités qui ne sont pas celles d’un robot. La créativité, l’imagination, la compréhension de systèmes complexes… seront mises en valeur à l’inverse de qualités d’exécutants. Ce qui est sûr c’est que l’IA est un levier d’efficacité pour les entreprises. Aujourd’hui, la plupart des entreprises de taille moyenne ont 10 à 20 ans de données exploitables, une vraie mine d’or pour faire des statistiques.
Jean-Baptiste Juin : Je crois aussi que la révolution se fait d’abord dans l’esprit des dirigeants. Aujourd’hui, aucun d’entre eux ne va répondre qu’il ne souhaite pas analyser ses données car il sait déjà tout! Alors que c’est un discours qu’on entendait il y a encore quelques années…
Pierre Girardeau : Pour résumer, le vrai or blanc c’est la donnée, qu’elle soit dans vos systèmes ou en open data pour renforcer vos données existantes. Sans elle pas d’IA à utiliser.”
Pour conclure
L’intelligence artificielle est donc une mode qu’il faut mettre à l’honneur dans la mesure ou, bien utilisée et pour la bonne cause, elle sera un soutien irrévocable de nos quotidiens.
De nombreuses recherches sur ces sujets continuent d’être effectuées partout dans le monde. Comme pour tous domaines, des financements sont nécessaires d’où cette médiatisation.
Jean-Baptiste et Pierre insistent tout de même sur le fait que “le vrai or blanc c’est la donnée”.